La question de savoir si on mémorise la forme du Tai Chi avec le corps est vraiment très intéressante.
Ma réponse est à la fois oui et non.
Je dis souvent à mes élèves que « le Tai Chi ressemble à la calligraphie ».
Si la calligraphie te paraît vague, pense à l’idée d’apprendre les caractères chinois par cœur.
Les caractères comme celui de « 裕 (Yu) » de mon prénom « 裕子 (Yuko) », est difficile, même pour les écolier japonais.
Quand j’y pense, je me souviens les avoir appris en les écrivant et réécrivant dans mes cahiers.
Avant les examens, peu importe le caractère, on pratiquait encore et encore jusqu’à ce que nos mains et nos corps les mémorisent…
C’est pour ça qu’à mon âge, je ne les ai toujours pas oubliés. …
Mais après, que se passe-t-il ?
Que ce soit en écriture régulière, semi-cursive ou cursive, plus on pratique, plus le caractère « 裕» se simplifie, jusqu’à devenir méconnaissable pour un œil non averti… Pourtant, dans ces caractères que j’ai écrits des milliers, des millions de fois, ça devient une signature ; comme une partie de notre vie qui est enfermée dedans, même si personne d’autre ne peut la comprendre.
Comme si on pouvait sentir une sorte de témoignage de notre existence, une énergie qui émane de ces caractères.
Dans n’importe quelle discipline, on commence par suivre fidèlement les enseignements.
On commence donc par mémoriser les choses avec son corps.
Mais, au fur et à mesure de la pratique, vient un moment où l’on doit se détacher de l’enseignant et de son enseignement.
Et, à ce moment-là, seuls ceux qui ont étudié encore plus profondément peuvent écrire leur propre version.
Rester simplement accroché à la forme (kata) et demander des enseignements, c’est comme être à l’école primaire.
Expérimenter et apprendre par essais et erreurs, c’est être au collège ou au lycée.
Et quand on arrive à l’université, on apprend par soi-même et on dépasse même parfois son professeur !
C’est ça, le 修行 (discipline spirituelle) ! Ne penses-tu pas ?